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Glasto Ninja

Depuis des années je voulais traduire le texte qui suit, c’est enfin chose faite. Il s’agit d’un témoignage, publié il y a fort longtemps dans un forum, et qui raconte comment un gars tente en 2007 de sauter la Super-Fence en mode ninja. Bien qu’en réalité ce témoignage ne soit pas clairement sourcé et soit sujet à caution, ce récit est entré dans la mythologie de Glastonbury. A vrai dire, peu importe si cette histoire est réelle ou non, nous allons embarquer avec le héros dans une mission bien compliquée… Prenez le temps c’est, j’en suis sur, un suspense qui vous tiendra en haleine.

La version dont je me suis servi se trouve ici: https://b3ta.com/questions/festivals/

Mercredi 16h00: Je suis chez moi, à Glastonbury, scotché comme d’habitude devant mon ordinateur, lorsqu’un un pote m’appelle depuis le festival… « Salut mec est ce que tu es déjà entré? On est tous là, posés devant la tente. On vient d’ouvrir quelques bières et quelques cidres… » Il sait très bien que je n’ai pas de ticket cette année, mais il n’a pas oublié que je lui ai pourtant assuré que je me débrouillerai à venir quand même. Je ne sais pas trop grâce à quel foutu hasard, mais je n’ai jamais manqué un Glastonbury depuis 13 ans. Je lui ai donc assuré quelques temps plus tôt que même sans ticket je n’avais pas l’intention de suspendre la tradition. J’ai même dit être résolu à sauter la barrière s’il le fallait. J’avais expliqué un plan imaginaire. L’idée était de m’habiller des pieds à la tête comme un ninja, et de tenter le coup avec un grappin, après avoir laissé mes sacs et ma tente à mes amis, qui les apporteraient dans le festival. De cette façon si je me faisais prendre; les gorilles… euh… les agents de sécurité, pourraient trouver la situation humoristique, et rire « avec » moi, plutôt que « de » moi, leur servant accessoirement de punching ball humain. J’ai essayé d’acheter des billets cette année, mais sans succès. J’ai passé la saison à faire du snowboard en France, et mon argent était bloqué à l’étranger lorsque la première vague de billets a été mise en vente… Au moment où je suis retourné en Angleterre, « les billets locaux » réservés aux résidents de certains codes postaux aux environs du festival, étaient déjà épuisés. Puis, j’ai essayé de trouver un job dans le festival, comme je l’avais fait dans le passé, sans réussite. Sauter la barrière était donc devenu ma seule dernière option. Je dis à mon ami au téléphone qu’après avoir vu les bulletins météo qui annonçaient des pluies torrentielles pendant tout le week-end, a m’avait fait réfléchir. Je lui dit que j’ai assisté à suffisamment de festivals boueux pour toute une vie, et je ne vois pas trop la nécessité de m’en infliger un autre si ça doit demander tant d’efforts. Tant pis pour cette année, je m’en fous c’est pas grave! Mais il ne lui faut pas longtemps pour me convaincre que je ne crois pas sincèrement ce que je vient de dire. Bien sûr que je ne m’en fous pas! Un bon été n’a jamais commencé sans le festival (confirmé lors de la pause de l’année dernière et du temps de merde qui a suivi, nous a privé d’été, et pourri les mois suivants!). « OK mec, je vais venir, on se voit demain… »

19h00: Je mange mon dîner sans parvenir à me calmer. Il fait encore jour, il y a déjà des dizaines de milliers de personnes qui s’éclatent dans les champs, et moi je suis là, dans mon salon avec la télé pour seule compagnie. Je finis de manger, et je prépare ce que je peux. Auparavant j’ai envisagé une opération impliquant des échelles de corde, des grappins, et une vaste gamme d’équipements de ninja. Mais hélas, je souffre d’apathie maladive. Les préparatifs sont loin d’être terminés. Par exemple, tout ce que j’ai trouvé de plus proche d’un grappin, doit être un lacet. Ma meilleure pièce d’équipement est un ensemble camouflage en Goretex, que j’ai acheté des années auparavant, à prix réduit, sur un stand de surplus de l’armée, lors d’un salon de sports extrêmes. J’ai acheté ça, pour d’une soirée où je voulais me déguiser en me faisant un look ringard, composé du camouflage, d’une paire de Dunlop Greenflash montantes neuves, et une paire de lunettes d’aviateur. La plupart des gens qui m’ont croisé ce jour là dans la rue, ont probablement trouvé que j’avais l’air d’un con, mais je m’étais bien marré. Ce soir cependant, cet équipement militaire aura enfin une utilisation appropriée. Je me suis aussi autorisé un petit sac à dos pour la durée du festival. Quelque chose de plus encombrant me rendrait moins furtif. J’y ai mis deux t-shirts, une paire de jeans supplémentaire, un pull, des chaussettes, un boxer et 4 sacs en plastique que je porterais sur mes chaussettes une fois que le festival sera boueux (les ninjas ne portent pas de bottes en caoutchouc). J’ai aussi pris une bouteille d’eau et quatre Twix pour me nourrir. Maintenant je dois choisir mes chaussures… Tout ce que je prends avec moi sera inévitablement sacrifié à la boue de Pilton… J’ai donc chaussé une paire de vieilles Nike Air Max, un choix approprié à un ninja des temps modernes. Elles mourront d’une mort noble.

23h00: Je décide que la meilleure stratégie d’infiltration se trouve au nord du site, à proximité de la Worthy Farm. Il y a là quantité de routes d’accès par où transite beaucoup de trafic entrant et sortant. Je suppose donc qu’ils ne s’attendent pas à ce que quelqu’un ne tente une intrusion par là, et surveillent peut-être un peu moins le secteur. Un système GPS serait bien utile pour cette opération, mais le mieux que je puisse faire est d’utiliser Google pour imprimer une carte de Pilton, que j’utiliserai pour naviguer sur un kilomètre ou deux, du village à l’enceinte du festival. Évidemment je n’emprunterai pas les routes, j’ai donc besoin de quelque chose pour me diriger dans la bonne direction, lorsque je traverserai des champs et des jardins au milieu de la nuit. Je commence mon voyage en faisant du stop à une intersection située à 7 miles (11km) du site. Un taxi ne couterait pas très cher, mais je m’astreint à respecter jusqu’au bout la philosophie du projet. Je dois entrer au festival sans que cela ne me coute absolument rien.

23h45: J’arrive à Pilton, on me dépose devant la boutique du village. Il m’est arrivé d’être steward au festival dans le passé. Je sais donc quelques trucs à propos de la sécurité, et la disposition du site. Je sais qu’il faut un laissez-passer villageois pour entrer dans la zone résidentielle qui conduit au site. Je sais aussi ce que ça fait d’être à la fin d’une période de travail de 12 heures (la sécurité travaille par roulements de 12h de 8 à 20 heures). Donc, une entrée tôt le matin, lorsque la sécurité est plus soucieuse de rester au chaud et éveillée, plutôt que d’observer les buissons pour y traquer des sosies de commandos, est idéale, et cela me donne beaucoup de temps. Je tente ma chance sur l’une des routes surveillées, au prétexte d’aller chez ma copine qui habite Bakery Lane, pour récupérer mon ticket chez elle. Comme on pouvait s’y attendre, les agents de surveillance n’ont pas mon nom sur leur liste. Je dois donc faire demi-tour sur la route. Mais un tout petit peu plus loin, je me fonds dans l’ombre et escalade la première de nombreuses clôtures à venir.

00h15: Après avoir rejoint le bas de la route à travers un jardin, et avoir trouvé un nouveau coin sombre, je m’oriente et détermine la direction que je vais devoir prendre. J’émerge à la lumière, et je marche le long d’une petite route vers le site. Cela me conduit devant un poste de police temporaire d’où sort un agent, alerté par mon approche. Je lui fait un signe de la tête, et lui demande comment se passe la nuit. Je fais comme si ma présence était aussi normale que la sienne. Je suis très content, à ce moment là, de ne pas porter de costume de ninja. Les types en camouflage imperméable sont beaucoup plus nombreux dans les festivals boueux, que les guerriers ninja… Cela aurait sans aucun doute suscité sa curiosité. Après avoir échangé de brèves courtoisies, je continue sur la route, et après le premier virage, je décide de faire une petite course, au cas où le policier se dirait finalement que j’avais l’air un peu suspect, marchant dans le village en pleine nuit en direction du festival, avec un sac à dos, et en tenue de camouflage. Ma course me conduit tout droit vers une steward assise sur une chaise longue. Je lui fais un petit signe de la main, qu’elle me retourne, accompagné d’un regard déconcerté. Je cours sans me retourner, et ne lui donne pas l’occasion m’interroger sur ma destination. La route remonte un peu, alors que j’arrive au virage suivant, j’aperçois deux agents de sécurité en patrouille. Je prends ca comme l’indication que les routes ne sont pas pour moi le meilleur endroit où se trouver. Je me précipite dans un sous-bois, et gravis un sentier oublié envahi de végétation, qui traverse un bois de grands arbres, rempli d’orties et de ronces.

00h45: La montée dans ce chemin m’a mis en sueur, et c’est à contrecœur que j’abandonne quelques vêtements de mon sac à dos, qui ne font que m’alourdir. Je sors ma carte, et fais une estimation rapide de l’endroit où je me trouve, et par où je dois maintenant aller. Je vois une grande maison, éclairée par une lumière particulièrement intense, lumière dont la source est hors de ma vue. Je fais la supposition que c’est encore une autre zone surveillée. En me faufilant dans les buissons, je repère effectivement deux gars portant des vestes réfléchissantes. Ils sont assis assis sur des chaises longues, installés dans la cour de la maison. En face de moi, une route conduit vers des champs. L’ouverture vers les champs se trouve à 100 pieds (30m). Mais cette route passe malheureusement, devant l’entrée de la cour, en pleine vue du poste de sécurité. La seule couverture qui permette une approche, est un buisson d’herbe et de feuillage broussailleux de deux pieds de haut (60 cm). Toute la zone est baignée de cette lumière blanche et crue, qui dévoilerait inévitablement tout mouvement que je pourrais faire au-dessus de cette cachette. Collé contre un grand mur de pierre telle la silhouette d’une marionnette de théâtre d’ombres chinoises, j’avance dans l’obscurité protectrice. J’enlève mon sac, je me couche sur le sol et commence à me frayer un chemin le long de la route. J’avance courbé, à l’abri de la couverture végétale, prenant bien garde de rester assez bas pour ne pas être vu. J’atteins l’entrée de la cour avec la porte du champ de l’autre côté de la ruelle. J’attends et j’observe les agents de sécurité, que j’entends discuter, entre deux grésillement aléatoires de leur radio. Les visages enfouis dans le col de leurs vestes haute visibilité, ils regardent le sol devant eux avec ennui. Pendant deux bonnes minutes, je les surveille, me tenant aussi bas que possible. J’attends le moment propice et, je me relève rapidement, traverse la route, et franchis la porte en faisant le moins de bruit possible.

01h15: Je cours dans les herbes hautes derrière une haie qui se détache sur fond de ciel illuminé. A l’extrémité de la haie, juste une petite clôture en fil de fer sépare deux champs, et lorsque je l’atteins, la « grande clôture » apparait enfin à quelques centaines de mètres, tel un mur argenté extrêmement menaçant qui se dresse à l’extrémité d’un vaste champ découvert n’offrant aucun abri apparent. Au delà, je devine les lumières du festival qui s’étalent comme celles d’une ville, et j’entends le murmure de cent mille personnes qui s’activent joyeusement. Montée sur l’une des nombreuses tourelles qui dépasse de derrière la clôture, un projecteur similaire à un deuxième soleil, transforme la nuit en jour. Sortir de la confortable obscurité parait inconscient mais semble pourtant inévitable. Cependant, à moins d’un kilomètre de là, à travers un champ à découvert, se tient une couverture d’arbres qui rejoint presque la clôture. Je passe le fil de fer, et je commence à courir le long du champ en longeant une autre haie. J’espère que la distance à laquelle je suis de la grande clôture, et mon camouflage sur fond de végétation me garderont indiscernable, mais l’ombre que je projette sur la haie est un compagnon encombrant dont je voudrais bien me débarrasser si je le pouvais. Devant moi, je distingue dans l’obscurité, la pâle silhouette d’une voiture garée dans le champ. Je progresse de plus en plus prudemment au fur et à mesure que j’en approche. Soudain je suis aveuglé par le faisceau d’une lampe torche. Pris au dépourvu, je couvre mes yeux avec mon bras, puis ensuite regarde autour de moi. Je m’aperçois que je suis à proximité d’un jardin qui se tient au-dessus d’un muret en pierre. Instinctivement, je change de direction, et saute par-dessus le mur. Je cours vers l’obscurité et retourne à la haie que j’avais longé mais qui s’avère trop épaisse pour être traversée pour l’instant. Au lieu de ca, je me faufile dans un fouillis végétal constitué d’herbe haute et de chardons (par chance, les gens ici ne semblent pas préoccupés à laisser leur jardin à l’état sauvage). Après environ 20 secondes, des radios crépitent et des faisceaux lumineux balayent le jardin. Je reste immobile alors que des lueurs passent au-dessus de ma tête, confirmant que je suis désormais invisible à quiconque se trouve à plus de deux pieds de moi. Au bout d’un moment, ils partent. J’entends des moteurs sur les routes avoisinantes, sans doute à la recherche d’une silhouette obscure dans les buissons. Je reste là un bon moment à envisager mon prochain mouvement. Les lumières de la maison sont allumées, je n’ose pas m’aventurer par là bas et revenir sur les routes. Je ne peux pas non plus continuer à travers le champ visiblement bien surveillé. Je retourne à la haie et je découvre que je peux grimper dedans. Ça fait environ 8 pieds (2,5 m) d’épaisseur et c’est foutuement dense, mais je me fraye un chemin pour déboucher dans un autre jardin. Grace à ce franchissement de haie, je suis tombé sur un jardin bien entretenu qui dispose d’une entrée menant au champ précédent, mais environ 30 mètres au delà de la voiture dans laquelle la sécurité est selon toute évidence postée. L’extrémité du terrain, au plus près de la grande clôture, est ma destination. L’herbe fait quelques pieds de haut et est remplie de chardons. Pour ne pas être vu je rampe lentement à couvert jusqu’à ce que je sois assez éloigné de la voiture. Là, je cesse de ramper et cours courbé en deux.

02h00: Je saute par-dessus une clôture de barbelés à l’autre bout du champ et me tapis dans une haie, face à une porte ouverte, j’observe la situation en mangeant deux Twix et en m’hydratant un peu. La grande clôture est à nouveau éclairée mais pas tant que ça, et je m’en trouve maintenant à moins de 100 mètres. Je n’en suis toujours pas suffisamment proche mais je peux m’installer et observer les patrouilles, à quelle fréquence elles passent, et les chemins qu’elles suivent. Juste à ma gauche se trouve une nouvelle allée que je vais devoir traverser pour atteindre le champ suivant et m’approcher du bosquet dense que j’ai comme objectif de rejoindre. Je m’assois et attends pendant une bonne demi-heure. Une fois, deux agents de sécurité passent négligemment devant ma cachette, mais à part des Landrovers toutes les huit à dix minutes environ, c’est relativement calme. Je sais que la grande clôture est trop haute pour sauter sans aide. Pour l’instant, la seule idée qui m’est venue serait de courir face à l’un des Landrovers en patrouille, bondir sur le capot, puis sur le toit, et de là sauter pour attraper le sommet de la clôture. Tout ça, en espérant que les quelques secondes qu’il faudrait aux agents pour réaliser, et se dire « Qu’est-ce que ce type est en train de faire? », seraient suffisantes pour que je sois sur le toit et foute le camp. Je me dis que la clôture doit faire un peu plus de deux fois la hauteur du Landrover et se trouve à environ 4 pieds (1.3 m) de distance horizontale du toit, donc le saut serait la partie la plus facile du plan. Bondir sur du véhicule avant que la sécurité ne m’attrape serait plus problématique. Mais je sais très bien que c’est une idée stupide, alors je l’oublie, et je me fie pour l’instant au hasard, je verrai bien quel destin il va me réserver.

02h30: Je sors de ma cachette, objectif l’entrée du champ. J’observe l’allée depuis la haie et je découvre qu’un autre agent de sécurité est posté près d’un bâtiment à environ 40 mètres de moi. J’attends le bon moment, puis je traverse la route en me précipitant jusqu’à la porte fermée du champ suivant. J’entends des voix qui se rapprochent d’une rangée d’arbres alignée au milieu du champ. Je rampe sous la porte, je m’allonge dans l’ombre d’une haie et et j’observe à nouveau. Les voix sont montées à travers le champ et maintenant repartent vers le bas. Je tente ma chance et cours vers le couvert de la rangée d’arbres, me glissant de l’un à l’autre. En chemin, je passe quelques tabourets de camping, jusqu’à ce que j’atteigne un autre mur de pierre, que franchis rapidement, pour à nouveau retrouver l’abri bienvenu d’un jardin caché.

02h45: J’escalade le mur suivant, redescends avec précaution, et je prends pied sur une surface légèrement instable. En y regardant de plus près, je n’en crois pas mes yeux. Le site du festival doit avoir un périmètre d’au moins 10 milles (16km). Parmi tous les endroits et jardins où j’aurais pu choisir d’effectuer ma tentative, j’enjambe un mur et là, non pas une, mais trois échelles m’attendent, posées sur le sol. Les dieux ninja sont avec moi ce soir, j’en suis certain. Cet évènement me redonne un peu de confiance. Je me dirige vers le fond du jardin, qui est envahi par la végétation, pour évaluer la situation. J’entends des voix non loin de là, alors je me déplace avec prudence. Lorsque j’arrive au fond du jardin pour jeter un oeil par-dessus la clôture, afin d’observer un autre champ bordé d’arbres, l’obscurité qui a été ma meilleure alliée jusqu’à présent, me tend un piège. Dans la pénombre, je ne remarque pas un morceau de tôle caché par la clôture qui, lorsque je marche dessus, produit un bruit tel que j’aurais tout aussi bien pu crier à plain poumons « je suis ici! ». Je me précipite vers un sous-bois, et je plonge dans une zone profonde de feuillages, d’herbes et de ronces. Puis je suis reste immobile, alors que des voix se rapprochent de moi, et que des faisceaux de torches inspectent le jardin. Des radios crépitent, les torches continuent de fouiller. Puis, quelques minutes plus tard, un Landrover équipé d’un projecteur glisse jusqu’à la clôture et éclaire tout l’endroit. Je reste allongé dans ma cachette, il disparait, les voix se taisent… J’attends encore 20 minutes avant de quitter mon repaire. Je ne peux évidemment plus faire de tentative ici. Alors je dois déplacer mon échelle vers un autre endroit, plus près de la grande clôture et bien plus loin des agents de sécurité. Se déplacer avec l’échelle maintenant attirerait sans aucun doute l’attention. La nuit est si calme qu’il est impossible de traverser un tel sous-bois sans piétiner une branche morte, se prendre dans les ronces, et sans qu’aucun reflet de l’échelle métallique ne soit aperçu. Tout ça, alors que la vigilance est au plus haut dans la zone. Laissant l’échelle sur place, je progresse précautionneusement à travers les ronces jusqu’à la taille, jusqu’à l’autre bout du jardin, où j’évalue à nouveau la situation. Mon mouvement a dû être une fois de plus détecté, et de nouveaux de Landrovers arrivent à la clôture pour éclairer une partie du des fourrés où je ne suis pas. Un autre jardin vaste et bien entretenu s’étend derrière la clôture mitoyenne avec celui dans lequel je me trouve. Ce nouveau jardin, s’étale jusqu’à une bonne cinquantaine de mètres de la grande clôture. C’est là que je dois porter mon échelle. Je repars à travers les ronces avec toute la prudence possible. Mais ce n’est pas suffisant. Le faible bruit de mes mouvements a suffi à redonner vie aux radios et aux lampes de poche. la sécurité doit maintenant être postée juste de l’autre côté de la clôture, à essayer de m’entendre. Je me repositionne rapidement dans ma cachette précédente, et je me recouvre de ronces. J’entends une voix dans un talkie parler de « quelqu’un dans les buissons », et l’agent de sécurité qui répond qu’ils sont autour de ces buissons en train de me chercher. Des faisceaux de lumière balayent ma cachette, d’autres Landrovers font des passages, je m’allonge sur place, et décide de manger un autre Twix.

04h20: je pense que je suis caché depuis plus d’une heure. J’entends encore, de temps à autre, des échanges radio, mais ça s’est calmé. Après une bonne demi-heure de bruits de pas autour de moi, et la crainte qu’un gars équipé d’une torche ne vienne me marcher dessus, ils ont dû supposer que comme il n’y avait plus de bruit, j’avais dû filer. Mais ils sont toujours tout proche. Le vent a commence à se lever et je sens une goutte de pluie. Un sourire éclaire sur mon visage alors que la pluie devient plus intense et que le vent forcit. C’est exactement la couverture dont j’ai besoin et qui masquera le bruit que je pourrai faire en déplaçant l’échelle à travers le feuillage. La sécurité, elle, ira chercher abri sous les arbres, me laissant un peu de temps et de répit. Je prends l’échelle et je refais mon chemin à travers les ronces jusqu’au jardin voisin. Une fois que je franchis la clôture sur l’herbe tondue, le déplacement est aisé. Je me dirige vers le coin le plus éloigné, qui sera ma dernière cachette avant le grand saut.

5h20: Perché en équilibre au sommet d’une clôture en bois, je surveille les agents de sécurité, caché par les arbres en surplomb et les haies rampantes. L’échelle est prête, positionnée de manière à ce qu’une toute petite partie dépasse juste au-dessus de la clôture. Lorsque je vais sauter, je pourrai la tirer et courir, avec un minimum de risque. Il faudra que ce soit très rapide entre le moment où je vais commencer à courir, et le moment où je sauterai dans le festival. Je n’entends aucun bruit de l’autre côté de la grande clôture. Je suppose alors que je suis arrivé dans les environs de la zone agricole de la Worthy Farm, qui est hors d’accès au grand public. J’attends encore un peu et effectue quelques chronométrages des passages de patrouille. Le bon moment est enfin arrivé lorsque je vois les agents de sécurité s’éloigner du terrain, et que le dernier Landrover est passé quelques minutes auparavant. Je saute, j’attrape l’échelle, et cours vers la grande clôture qui se dresse au-dessus de moi. Les agents de sécurité se jettent sur leurs radios pour donner l’alerte. Ces gars ne sont là que pour surveiller l’extérieur, ce sont ceux qui sont à l’intérieur que je vais devoir éviter… L’échelle se dresse presque parfaitement à hauteur du sommet de la grande clôture. Je grimpe tout en haut, je pousse l’échelle pour la faire tomber, juste au moment où les deux agents de sécurité que j’avais repéré, et deux autres que je n’avais pas vus, arrivent sous mes pieds. Je leur fait un clin d’œil effronté, et je saute dans le site. Saturé d’adrénaline, je sais que je n’avais pas longtemps pour trouver une cachette, car je suis dans une partie du site où je ne suis pas censé être. Je cours à travers ce qui semble être une sorte de verger et je descends vers des bâtiments, à travers quelques jardins. Puis je saute dans un buisson dans un jardin d’agrément bordant d’une petite route. Quelques instants plus tard, la paix du petit matin est brisée dans les environs par le rugissement de moteurs et des échanges radio. Je me couvre de feuilles et je me mets à l’aise. Pendant une bonne demi-heure, ils semblent devenir fous de pas arriver à me repérer. J’entends une radio à quelques pas seulement qui demande s’ils m’ont trouvé, et j’entends les allées et venues des gens qui fouillent la zone. Je mange un autre Twix, je finis mon eau, puis j’attends que ca se calme.

6h30: Le coin est redevenu paisible, c’est le bon moment pour bouger. De toute évidence, tout le monde dans la zone a été été prévenu qu’un type en camouflage, a fait le saut. Et comme je dois encore passer un autre point de contrôle de sécurité, je ne peux pas rester habillé comme ça. Je change de vêtements dans les buissons, et à la place de ma tenue camouflage, je choisis les couleurs les plus vives dont je dispose. Puis j’émerge de la végétation en adoptant l’attitude d’un mec ivre. Si on me demande de montrer un bracelet, je répondrai par une absurdité énervée et continuerai chancelant, comme si j’étais un de ces gars qui ne sait plus où il est ni qui il est. Je suis « tombé » sur la route qui conduit au dernier point de contrôle et je peux enfin voir des tentes… Lorsque je passe devant la sécurité, ils sont manifestement trop fatigués et se foutent de savoir qui je peux être. Lorsque j’entre enfin sur le site et me mêle à la foule, je lance un énorme « putain ouais mission accomplie! ».

Mes meilleurs moments du festival (à part jouer un partie non virtuelle de « Metal Gear Solid » toute la nuit du mercredi) ont été ‘!!!’, ‘fat freddies drop’, ‘mr scruff’ et ‘square pusher’ qui étaient géniaux même si (probablement à cause d’un régime alimentaire approximatif et de copieuses quantités de cidre de poire) j’ai raté une bonne partie de ce dernier set.

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