1997 année de la boue

Le festival de Glastonbury est à nouveau organisé en 1997, après une année de pause. après une année de pause. Comme c’est souvent le cas, l’année de jachère précédente a servi à remanier le site. La zone Greepeace a été améliorée, on y a construit une reproduction du Rainbow Warrior. La surface du site a été agrandie de 300 hectares.

Du côté des relations avec l’administration territoriale, cela reste tendu. Les plaintes du voisinage ont été nombreuses à cause de quantité de resquilleurs qui ont pénétré maintes propriétés privées autur du site, afin de pouvoir pénétrer discrètement dans le festival. Le conseil de Mendip demande avec insistance que la barrière qui entoure le festival reste hermétique, et menace de ne pas donner son autorisation pour une édition ultérieure. En fait, les resquilleurs n’ont pas perdu leurs habitudes, et nombre d’entre eux s’agglutinent autour du site. Les équipes de sécurité ont été briefées et doivent agir avec fermeté. Il en résulte nombre d’accrochages qui se terminent parfois en bagarres. Et finalement certains, assez nombreux, parviennent encore à entrer sans tickets.

Mais surtout, cette année là, une pluie torrentielle s’abat sur la région juste avant le weekend. Les parkings sont impraticables, et cela provoque une désorganisation complète. En particulier les véhicules lourds des différents groupes ont des difficultés pour se rendre sur site. Une route de de fortune est bricolée à la va-vite, et deux stewards de parkings sont réquisitionnés pour convoyer les artistes dans un 4×4. Sur site, la situation est aussi catastrophique, et les spectateurs s’enlisent dans parfois jusqu’à 30cm de boue. On se rappellera de 1997 comme étant l’année de la boue.

Au chapitre programmation: Prodigy, SMashing Pumpkins, Radiohead, Kula Shaker, Chemical Brothers. Notons aussi, cette année là, le seul passage de Daft Punk à Glastonbury. A l’époque, le duo qui vivait ses premieres heures de succès, proposait une configuration très différente de celle que nous connaissons désormais. Déjà, les deux protagonistes se dissimulaient dans l’ombre derrière le light show, mais se produisaient à l’époque à visage découvert. Il reste quelques images de leur passage dans la Dance Tent de Glastonbury.

Chose importante aussi, cette année; pour la première fois la BBC effectue la couverture TV du festival. C’est le signe que l’évènement a atteint une notoriété nationale importante. Pour l’instant Glastonbury n’a pas encore la renommée d’un Reading, par exemple, mais il est indéniable qu’il se passe quelque chose du côté de Pilton qui commence à devenir pour les connaisseurs the place to be. Des archives de la couverture par la BBC du Glastonbury de l’année de la boue sont disponibles, et particulièrement intéressantes, car elles permettent de constater à quel point, en dépit d’une programmation déjà prestigieuse, les choses étaient encore à l’époque relativement désinvoltes et informelles. Voici en 4 parties un témoignage de cette édition 1997 commentée par John Peel et Jo Whiley.

1998 boue et électro

En dépit de la présence de resquilleurs l’année précédente, le conseil de Mendip n’a pas donné suite à ses menaces, et le festival a bien lieu en 1998. Cette année on atteint pour la première fois la jauge psychologique de 100 000 festivaliers (limite officielle). De nouveau il pleut en quantité, alors que pour la deuxième fois le festival est couvert par la BBC. Sans doute la récurrence de ces images de festivaliers dans la boue, sur la chaine nationale, a-t-elle forgée le mythe (pas si inexact) qui associe étroitement Glastonbury et boue.

Sur 17 scènes plus de 1000 artistes se produisent dont Blur, Primal Scream, Robbie Williams, Tori Amos, Pulp, Bob Dylan, Roni Size et Chemical Brothers.

La Dance Tent qui accueille, entre autres, cette année là Moby, Chemical Brothers, et Fatboy Slim fait le plein tous les soirs. Nous sommes au pic de la vague électro, qui avait émergé dix ans plus tôt de la rave culture et du second summer of love. Boue et électro, voilà qui pourrait décrire l’édition 1998 du festival de Glastonbury.

1999 fin d’une époque

1999 marque la fin d’une époque. D’une part parce que Glasto est en train d’acquérir une notoriété telle qu’il va devoir bientôt évoluer, d’autre part parce que Jean Eavis disparait.

Michael et Jean Eavis

Six semaines environ avant l’ouverture du festival Jean, l’épouse de Michael, décède des causes d’un mélanome qui s’était déclaré huit ans plus tôt, et qui a finalement évolué à un stade tel qu’elle a dû être hospitalisée pendant les deux derniers mois de sa vie. Jean Eavis s’éteint dont assez brutalement, peu de temps avant l’édition 1999. Elle était la seconde femme de Michael, celle avec qui il a eu l’idée de créer le festival. Cette aventure, commencée près de trente ans plus tôt, ils l’ont toute entière vécue ensemble. Si lui était très moteur, elle, était beaucoup plus discrète et tempérait son époux. Mais il reste qu’elle avait une influence majeure sur le festival. Par ailleurs, le couple a eu deux enfants: Patrick et Emily. Cette dernière, qui a tout juste 20, a interrompu ses étude dans l’enseignement pour venir au chevet de sa mère, peu avant son décès. Finalement, elle reste auprès de son père pour l’assister à l’organisation de Glasto, reprenant ainsi la succession de sa mère.

L’édition 1999 se déroule sous le soleil. A l’affiche: REM, Manic Street Preachers, Fatboy Slim, Hole, Blondie, Al Green, Skunk Anansie, Lonnie Donegan, Marianne Faithful and Courtney Pine. Signe de temps, la simplicité qui régnait jusque là, commence à céder. Certains artistes ont des requêtes de plus en plus tatillonnes. Par exemple, Lenny Krawitz exige des plantes dans sa loge, précisant en particulier qu’il doit y avoir un aloé vera. Mais l’épisode qui est resté dans les mémoires c’est celui des toilettes des Manic Street Preachers. Lors de leur tournée ces derniers se déplaçaient avec leurs propres toilettes mobiles, qu’ils avaient donc installé backstage à Glasto. Billy Bragg, qui est un chanteur très engagé politiquement à gauche, un résident de longue date du festival, découvre ces toilettes sur lesquelles leurs propriétaires on écrit « ces toilettes sont exclusivement réservées aux Manic Street Preachers ». Ce dernier s’offusque de la chose invoquant à la fois les valeurs de partage et d’égalitarisme du festival. Il faut préciser que si Bragg est notoirement très à gauche politiquement, les Manic Street Preachers le sont tout autant que lui. L’affaire dérive donc sur un point d’éthique politique (socialisme et collectivisme), et les deux camps échangent assez vertement sur cet épisode.

Autre artiste très impliqué politiquement, à gauche aussi, c’est Joe Strummer. Il s’est récemment installé dans la région, et devient lui aussi résident du festival. Mais surtout, il s’y investit, et n’hésite pas à aller au contact des gens. Il a un comportement très spontané, et exubérant, et trouve toujours mille idées pour faire la fête. Un jour, sur un coup de tête, il part acheter un gros tas de buches dans les environs. Puis il installe tout un espace autour d’un feu de camp qu’il entretient jour et nuit. Il récidivera les années suivantes, ce sont là les prémices d’un espace qui lui survivra, et qu’après sa mort on baptisera Strummerville.

On voit donc que nous sommes là à un moment charnière où le festival de Glastonbury est devenu trop gros pour rester définitivement cet évènement très informel, libre, presque anarchique, qu’il est encore jusqu’à présent. Et l’année 2000 va justement marquer définitivement la fin de cette période.

2000 l’embrasement du phoenix

En 2000 Glastonbury fête sa 20eme édition, et surtout son 30eme anniversaire. Tout au long des années 80, ses organisateurs ont lutté contre les problèmes administratifs et financiers. Mais le petit festival qui drainait son public et ses artistes d’habitués a réussi à perdurer, et créer une image si particulière à tel point que les années 90 lui ont sourit. De nouveaux et jeunes artistes ont sympathisé avec les organisateurs, et sont entrés en symbiose avec Glasto. Il se trouvent que nombre d’entre sont en devenir, et vont s’imposer comme acteurs majeurs de la scène musicale. Un cercle vertueux s’est mis en place qui accroit mutuellement la notoriété de chacun, et Glastonbury devient the place to be. A la fin des années 90, l’évènement s’est extrêmement popularisé, mais, encore organisé de façon artisanale, il risque d’être victime de son succès. C’est bien ce qui a failli arriver lors de cette édition 2000.

Chose remarquabe, pour cette édition, 2000 Michael Eavis a fait reconstruire une Pyramide. La précédente qui avait brulé en 1994 avait été bricolée avec des poteaux électriques et de la tôle. Cette fois ci, le choix est fait de construire une armature métallique permanente sur laquelle est tendue, pour la durée du festival, une toile étanche. C’est la pyramide que nous connaissons encore aujourd’hui. Cette troisième version de la scène iconique de Glasto, est baptisée par la projection d’un seau de lait de la ferme, lancé par Robert Plant. A qui mieux que l’ancien chanteur de Led Zeppelin, groupe qui avait inspiré la fondation du festival, pouvait-on confier ce parrainage?

Au programme de l’édition 2000: Travis, Basement Jaxx, Chemichal Brothers, Macy Gray, Pet Shop Boys, Willie Nelson, Nitin Shawney, Suzanne Vega, et surtout, le retour de David Bowie. Ce dernier avait été à l’affiche du free festival organisé en 1971 par Andrew Kerr, et Arabella Churchill. A l’époque il était quasiment inconnu, 29 ans plus tard, le voici qui revient au faite de sa gloire pour un concert, devenu mythique. Il incarne typiquement ces artistes que Glasto a découvert, et qui une fois célèbres éprouvent une joie toute particulière à y revenir.

L’édition se déroule normalement sous un temps clément, mais, cette année là le nombre de resquilleurs bat des records. La licence accordée aux organisateurs autorisait 100 000 personnes sur site. On ne saura jamais le chiffre exact, mais il est probablement entré autour de 200 000 personnes. Et ça le conseil de Mendip ne le laissera pas passer! Le Glasto artisanal et informel a vécu, il doit laisser place à une organisation bien plus rigoureuse, et la priorité est de mettre fin à ces histoires de resquilleurs. Le phoenix a brillé aux limites du possible, et son embrasement inévitable va lui permettre de renaitre sous une forme différente. Le festival de Glastonbury va certes y perdre en authenticité, mais y gagner beaucoup en moyens, et en crédibilité. En normalisant définitivement la relation avec le conseil de Mendip, tout sera en place pour travailler sereinement. C’est sur ces fondations là que Michael Eavis va bâtir un géant. Avec une programmation d’exception, un emplacement plein de vibrations magiques, la culture post-hippie travellers, et une inventivité sans borne, Glasto va devenir le plus grand festival du Monde. 2000 est une année charnière mais il reste encore du chemin à parcourir…