Mon interprétation des événements concernant le futur de Glasto

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Suite à un échange avec Thomas dans les commentaires de l’article What next? Variety Bazaar, il m’est apparu qu’il pouvait être intéressant d’analyser un peu les causes de cette communication calamiteuse, à laquelle nous avons eu droit depuis deux ans maintenant. Évidemment, aussi attentif puis-je être de ce qui se passe du côté de Pilton, je ne suis pas dans le secret des dieux (juste des Eavis, cela suffira!), et tout ce qui suit, même si cela se base sur des observations factuelles, ne tient que de l’interprétation. J’adorerais pouvoir interroger Michael sur les sujets qui vont suivre, et encore cela serait-il possible de le rencontrer, faudrait-il bien qu’il veuille se livrer. Quoi qu’il en soit, si je l’avais sous la main, je saurais quelles questions lui poser, au risque d’aborder des sujets un peu délicats, des questions qu’on ne lui pose jamais, peut-être un peu personnelles, et pourtant… Je ne doute pas qu’un de ces quatre un journaliste ayant ses entrées finisse par le faire. L’idéal serait même que quelqu’un, un jour, écrive sa biographie, je pense qu’il y aurait de la matière. Mais pour l’instant conjecturons… Je précise que cet article vient en compléter un autre sur le même thème (cf. Les années à venir).

La volonté de déménager Glasto est manifeste. Nous en avons eu la preuve lorsque nous avons appris que les négociations autour de Longleat avaient échoué.

Tout cette histoire commence donc par des déclarations répétées à plusieurs reprises depuis 2015, dans lesquelles Michael Eavis indique qu’il souhaite délocaliser le festival. Je ne reviens pas sur les détails, je l’ai déjà fait à de maintes reprises. Les raisons invoquées sont variables, là encore je ne reviens pas là dessus. Mais à chaque fois, Emily vient rectifier ou tempérer les déclarations de son père pour indiquer que, Michael évoque un déménagement temporaire pendant seulement l’année de jachère, et que le festival de Glastonbury n’a pas lieu de se dérouler ailleurs qu’à la Worthy Farm. Cette situation dure ainsi un moment, jusqu’à l’épisode Longleat qui éclate au grand jour peu après la clôture de l’édition 2016 (cf. Déménagera, déménagera pas). On apprend que les propriétaires de ce domaine avaient été contactés pour tenir en 2018 un festival, pendant que les champs de la Worthy Farm auraient bénéficié d’une pause réparatrice. Cependant, cette négociation n’a pu être menée à bien. Là encore je ne reviens pas sur les détails. Ce sur quoi je veux insister c’est le trouble qu’a une fois de plus causé cet épisode. Le public a pris conscience que le patron de Glastonbury était bel et bien en train de tenter de délocaliser son festival, et que ses déclarations antérieures n’étaient pas des paroles en l’air.

Il faut bien comprendre qu’une délocalisation du festival pourrait être un véritable traumatisme pour une certaine catégorie de festivaliers. Depuis le début des années 2000, avec la médiatisation et l’acquisition d’une grande notoriété, Glastonbury mélange deux publics. Le premier, ce sont les anciens qui sont là depuis les années 80 ou 90, revenant d’une année sur l’autre, et ayant assisté à 10 ou 15 éditions. C’est un public passionné de musique, très rock’n roll, habitué de festival, et parfois haut en couleurs avec ses marginaux, ravers, travellers, etc… L’autre public, est une population mainstream, parfois très jeune, parfois moins, parfois upper class, essentiellement attirée par la programmation prestigieuse des grandes scènes, des gens venus là parce que Glasto est devenu the place to be, et qui viennent aussi se donner un peu de sensations en se plongeant au sein de l’autre population plus exotique. Déménager le festival constitue un risque majeur, celui de décevoir le public d’origine de Glastonbury, celui qui constitue l’âme du festival. Si ces gens disparaissent, Glastonbury deviendra un festival comme les autres, fréquenté par des milliers de monsieur tout le monde, sans la saveur particulière qui en a fait le succès. Alors pourquoi prendre ce risque? Quand on pense à ceux que Michael Eavis a pris pour maintenir les travellers dans le festival, par exemple, c’est assez étonnant. Pour comprendre un peu mieux tout ce background, je vous invite à lire mes pages Histoire, dont je n’ai d’ailleurs pas complétement terminé la rédaction, mais qui vont tout de même jusqu’à 1995. Ca peut aider à comprendre.

Délocaliser Glastonbury serait un risque vis à vis du public historique du festival. Cela pourrait complètement changer la nature du festival. Alors pourquoi prendre ce risque?

Pourquoi prendre le risque d’un déménagement? Ai-je écrit un peu plus haut. Au vu de la succession des évènements, et des récents développements, je pense de plus en plus que tout ceci est lié à l’âge du capitaine. Michael Eavis a 81 ans aujourd’hui. N’oublions pas aussi, qu’il a échappé à un cancer de l’intestin en 1995, une maladie qui avait tué son père, et qui l’a conduit à reprendre la ferme, alors qu’il se destinait à devenir marin. Le cancer encore, a fini par emporter sa deuxième femme Jean, la mère d’Emily, en 1999. Celle avec qui il avait créé le festival en 1970. Arabella Churchill est décédée en 2007, Andrew Kerr en 2014, Michael reste le dernier de l’équipe des créateurs du festival encore en vie. C’est un homme pragmatique, qui sait très bien que quand bien même il deviendrait centenaire, dans un futur assez proche il risque de n’être plus en mesure d’arpenter les allées du festival, et en profiter pleinement. Par ailleurs j’ai la conviction que cet homme veut mettre ses affaires en ordre avant le grand voyage, reconnaissons que passés 80 ans, il n’est pas trop tôt pour le faire. Alors il est possible qu’il soit pris entre deux feux, d’une part continuer à profiter d’un festival auquel il a consacré la plus grande partie de sa vie, et d’autre part transmettre un patrimoine familial auquel il doit être attaché. Patrimoine qui comprend aussi bien la ferme que tout le travail capitalisé dans le festival.

Il y a probablement une urgence chez Michael Eavis à organiser un maximum de festivals avant qu’ils ne mette fin à sa direction de Glasto, ou qu’il ne soit plus en capacité de s’y investir.

Profiter au maximum du festival, c’est pour Michael éviter au maximum les années de jachère. Chaque année perdue doit causer une frustration extrême à cet hyper-actif passionné de musique. Or, les années de jachère sont indispensables; pour la terre, les vaches, mais aussi le voisinage à Pilton. Le Variety Bazaar a donc pour objectif de permettre de créer un autre festival, qui puisse se dérouler pendant ces années de pause. Malheureusement pour 2018, ça semble définitivement tombé à l’eau. Il y a tout lieu de penser que le festival restera hébergé au sein de la Worthy Farm en 2019 et 2020. POur le Variety Bazaar on verra plus tard… 2020 est une date importante, celle du 50eme anniversaire, un demi siècle de Glastonbury, une date que Michael Eavis a déjà évoqué plusieurs fois, parlant même de lâcher les rênes à ce moment là. Il y a chez lui une volonté très forte de fêter cet anniversaire, peut-être même teintée de crainte de ne pouvoir arriver jusque là. Quoi qu’il en soit le festival 2020 devrait être exceptionnel, et je prédis qu’il faudra y participer à tout prix. C’est le genre d’évènement qui pourrait par exemple faire sortir du bois des artistes extraordinaires, mais là c’est un autre sujet que je me réserve pour plus tard. Disons juste qu’il est possible que Michael ait déjà convenu de quelque chose avec un groupe ou deux. Notons en passant que les considérations précédentes mettent à mal l’idée que les organisateurs voudraient déménager le festival, en raison de difficultés de négociation avec les propriétaires qui louent les terres environnantes nécessaires. En effet, sauf à ce que ces voisins aient des exigences réellement délirantes, ce qui mettrait en péril ce revenu, je vois mal Michael Eavis se priver aujourd’hui, à son âge, de son festival, juste pour un peu d’argent.

Michael Eavis pourrait bien être tenté de transmettre un patrimoine ancestral à ses descendants, ce qui impliquerait de rendre la Worthy Farm exclusivement à son usage d’origine, et par voie de conséquence de mettre un terme au festival de Glastonbury.

Mais l’avenir du festival de Glastonbury passé sa 50eme année, pourrait être intimement lié à ce que Michael Eavis prévoit pour sa succession. Il faut savoir qu’il est le père de cinq enfants. Trois sont nés de son premier mariage avec Ruth, deux de son deuxième mariage avec Jean (dont on a parlé plus haut). Par ailleurs, suite à la mort de Jean, il s’est remarié une troisième fois. Donc, s’il venait à disparaitre aujourd’hui, il laisserait 5 enfants et une femme. La ferme compte beaucoup pour Michael, elle est dans la famille depuis 4 générations, et il se considère avant toute chose comme un fermier. Il semble a peu près certain qu’il souhaite que les lieux gardent leur fonction d’origine, et perpétuer ce que ses ancêtres lui ont transmis. Peut-être faut-il voir là la cause de cette volonté de déménager le festival. Mais qui reprendrait la ferme? Les enfants de Ruth doivent approcher les 60 ans et l’âge de la retraite. En ce qui concerne les enfants de Jean, l’ainé est un garçon de 50 ans environ qui est médecin à Bath, reste donc Emily qui a 37 ans aujourd’hui. Il est alors probable qu’elle garde la ferme. Si tel est le cas, il est vraisemblable que le festival poursuivra son histoire en ces lieux, comme elle ne cesse de le répéter. Mais il est possible aussi que le patriarche ait décidé autre chose. Imaginons par exemple qu’il ait décidé que le festival de Glastonbury ne doive pas lui survivre, et que la ferme redevienne juste une ferme. Emily, qui désormais s’est complètement investie dans l’organisation de Glasto, et c’est aussi le cas de son mari, se retrouveraient sans activité. Le plan pourrait alors être de créer un autre évènement, ailleurs, qu’on appellerait par exemple le Variety Bazaar. Pour s’assurer que ce concept fonctionne, il faudrait alors instaurer une alternance courte entre Glastonbury et le Variety Bazaar de manière à rassurer le public sur ce dernier évènement. Cela pourrait don se traduire donc par des jachères plus fréquentes. Mais un arrêt brutal de Glastonbury n’est pas non plus impossible. Reste qu’il est moins risqué d’habituer le public au nouveau concept avant d’annoncer la fin de Glasto.

Dans ce long développement j’ai fait beaucoup d’hypothèses. J’imagine d’une part que Michael Eavis est en train de mettre ses affaires en ordre, ce qui ne serait pas étonnant concernant un vieux paysan de son âge. Je suppose aussi  que son attachement avéré à la Worthy Farm, pourrait le conduire à rendre la ferme à sa vocation d’origine. Voila en tous cas un scénario qui ne m’étonnerait qu’à moitié. Pour finir je vous livre ici un bout d’interview de MIchael Eavis du Guardian daté de 2013 qui pourrait coller avec tout ce qui précède.

The youngest member of the family is my 18-month-old grandson, George. I take him round the cows every morning. He’s not had his first Glastonbury yet, so he’ll be making his debut this summer. I’m trying to get him interested in the cows because they are the heart and soul of the farm. We’ve had the highest yielding herd in Somerset for the last three years, which is quite important in farming terms. My grandfather would have loved that.

Le plus jeune membre de la famille est mon petit fils de 18 mois, George. Je l’emmène voir les vaches tous les matins. Il n’a pas encore participé à son premier Glastonbury pour l’instant, il fera le premier cet été. J’essaye de l’intéresser aux vaches parce qu’elles sont le cœur et l’âme de la ferme. Nous avons eu le troupeau ayant le meilleur rendement ces trois dernières années, ce qui est très important du point de vue agricole. Mon grand-père aurait adoré ça.

Photo: Sam Frost / WSPA

Cet article a 2 commentaires

  1. Thomas

    Tes explications tiennent la route et cela me fait penser à une chose : Emily ne semble pas vraiment s’interesser au monde agricole, le travail de la ferme ne serait peut-etre pas sa tasse de thé ? On sent qu’elle veut faire du festival son activité principal, elle se professionnalise dans l’organisation.

    Donc si le père Eavis tiens à ce que la ferme continue on est dans une sacré problématique ! Soit il transmet la ferme et le festival à Emily mais l’activité agricole sera juste maintenu par des employées (et je pense que c’est hors de question pour lui), soit il transmet la ferme à un autre de ses enfants qui est ok pour l’activité agricole mais dont l’implication dans le festival est nul. Et je pense que l’activité historique du site ( pour le respect de ses anciens et du site) prime sur le festival.

    La solution à tout cela serait effectivement de déménager Glastonbury, avec un nouveau nom pour qu’il devienne le festival d’Emily et plus du père. Si c’est le cas, je crains franchement pour l’avenir du festival. J’aime beaucoup Emily, je ne le connais pas trop mais j’ai franchement l’impression qu’elle n’a pas vraiment l’ame hippie de son père. En revanche elle semble attaché aux bonnes causes du type Oxfam.

    On touche la un point sensible et unique de Glastonbury : l’organisation familiale. Si je prend l’exemple des vieilles charrues en france qui possède un esprit fort comme à Glastonbury, il s’agit d’une association donc si le directeur change, l’ame reste puisqu’elle impulsé par toute l’association.

    Cette nuit aux NME awards, on apprend que Variety Bazaar devrait avoir lieu à partir de… 2021 ! Juste après es 50 ans de Glastonbury… J’ai peur !

    http://www.nme.com/news/music/glastonbury-weve-already-booked-huge-headliner-50th-anniversary-1976998

    Gros succès de Glastonbury d’ailleurs : Meilleur festival, Meilleur tête d’affiche pour Adele et meilleur moment de musique de l’année pour Coldplay avec le Tribute pour Viola Beach.

  2. Asyd Orange

    Concernant le 50eme anniversaire, j’ai vu ça, et je suis déjà en train d’écrire le prochain article à ce sujet.

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