Samedi

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Les Rolling Stones sur la Pyramid stage.

Samedi… jour des Stones. Tout le monde attends cela avec impatience. Les marchands de tout poils en ont profité pour sortir une série de T-Shirts pour l’occasion. Le plus drôle est: « Who the fuck is Mick Jagger? » Tout un tas de gens arborent des T-Shirts Rolling Stones, nous en verrons toute la journée. Ce concert est évidemment un évènement. Les Stones ne sont jamais passés ici, et avec leur 70 ans de moyenne, on sait bien qu’on en va plus les voir pendant des siècles. En ce qui me concerne, je ne suis pas un grand fan, et d’ailleurs dans l’opposition Stones/Beatles, je suis plutôt Beatles, mais voir ces gars sur scène, c’est voir un morceau de l’histoire du rock. C’est un des premiers groupe de rock britannique, créé une dizaine d’années après les débuts de ce mouvement aux USA. C’est de l’histoire, mais c’est aussi notre fond culturel contemporain. Comme je le disais, je ne suis pas fan (j’ai UN SEUL album des Stones dans ma discothèque qui doit compter pas loin de 500 unités), et pourtant je connais comme tout le monde bon nombre de titres. Je suis donc curieux de les voir sur scène, et sans doute de comprendre ce qui fait la réputation de ce groupe qui a traversé les âges. Idem pour mes compagnons. Mais, nous avons tous un doute, et si c’était nase  S’ils étaient trop vieux ou sur-vendus? En ce qui me concerne je regrette un peu que les Stones clashent avec Fuck Buttons, groupe sur lequel j’ai accroché, et qui proposent un son radicalement expérimental et nouveau qui m’interpelle. Hub et Fred, eux, regrettent de ne pouvoir voir Public Ennemy. Là encore un groupe constituant un pan de l’histoire de la musique contemporaine. C’est probablement le premier groupe de rap incluant une dimension politique à leur textes dès le début des années 80, alors qu’à cette époque ce courant musical est généralement ludique et fun. Ils sont les pères de ce que le rap est finalement plus généralement devenu, une musique contestataire. Ces autres artistes sont indéniablement passionnants  mais il serait incohérent de ne pas assister à l’évènement Rolling Stones à Glastonbury.

Nous nous donnons donc rendez vous à 21h00 devant le point information de l’Arena, exactement au même endroit où nous étions donnés rendez-vous avec Hub en 2011 pour U2. En attendant, au programme du reste de cette journée, il y a pour moi un passage obligatoire: The Orb featuring Kakatsitsi. Pour le reste, je choisis la facilité en enchaînant une série de concerts en début de journée à la John Peel stage. Jagwar Ma que j’ai découvert peu de temps auparavant a l’air très prometteur, Toy que j’avais vu à Rock en Seine 2012 m’avait laissé un très bon souvenir, entre les deux un « to be announced » pourrait donner une bonne surprise. Voila mon programme prêt pour la journée. Pendant le café matinal j’évoque ce programme avec mes camarades, Fred décide de m’accompagner à la John Peel stage. Nous quittons la tente peu avant midi.

Arrivés à la John Peel stage, nous nous installons confortablement à l’extérieur, sous un soleil éclatant, et attendons le concert de Jagwar Ma. Lorsque le concert commence, j’entre sous la tente, car dehors on entend mal. En fait, sous la tente aussi, le son est mauvais, mais le groupe excellent. Ils sont énergiques, les morceaux sont excellents, que dire d’autre?

Jagwar Ma
Jagwar Ma sur la John Peel stage.

Après cette prestation mémorable, je retourne à l’extérieur rejoindre Fred qui était resté installé au Soleil. Doit maintenant suivre le groupe mystère « T.B.A ». C’est Ms Mr qui arrive sur scène. Ce groupe ne captive pas notre attention, et nous restons à l’extérieur à discuter, au bout d’un moment Hub nous rejoint, nous sommes trois au début du concert suivant: Toy.

Comme je l’ai dit plus haut, j’avais bien aimé la prestation de Toy sur la petite scène de Rock en Seine, et pour tout dire Kiki (ma petite fille) qui m’avait accompagné à l’époque avait bien aimé aussi. Resté sur cette bonne impression j’ai programmé ce groupe dans mon Glasto. Comme la première fois, je prends plaisir à ce son qui me rappelle un peu Can.

http://www.bbc.co.uk/events/ej58q9/acts/a8c4wh#p01c353t

Toy sur la John Peel stage.
Toy sur la John Peel stage.

Après cette série de trois concerts, je quitte John Peel à 15h45, et pars vers West Holts où The Orb doit jouer à 17h45. J’ai deux heures à perdre, j’en profite en particulier pour manger un peu. Je me promène dans les allées. A 17h15 doit commencer le concert de Penguin Cafe à l’Avalon stage, c’est à dire non loin de West Holts. Je décide donc de me rendre à ce concert pour en voir le début. Je connais un peu le mythique Penguin Cafe Orchestra, dont le Penguin Cafe (sans le Orchestra à la fin) est l’héritier. Héritier, c’est le terme approprié, puisque c’est le fils de Simon Jeffes et Helen Liebmann créateurs de la première formation, qui a créé la deuxième pour perpétuer le travail de ses parents. C’est un groupe mythique bien que peu connu, dont la musique est à la jonction du classique, de la contemporaine, et de la pop. Le tout terriblement expérimental, me fait inévitablement penser au travail de Philip Glass. Sous la tente de l’Avalon stage je suis surpris de voir tant de monde.

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Lorsque le concert débute, je suis rapidement dérouté par la musique complexe du Penguin Cafe qui nécessiterai de ma part davantage de concentration. Mais je suis déjà dans The Orb qui doit commencer une demi heure plus tard. Je regarde ma montre, je fume une cigarette, je bois une bière. Cette musique ne tolère pas l’inattention, je décroche… Je pars à West Holts.

Au moment où j’arrive, le groupe se présente sur scène. C’est la première fois que je les vois sur scène. Enfin! Dirais-je. Je suis en premier lieu surpris de constater l’age des musiciens de The Orb. A première vue on leur donne plus de cinquante ans. Cinquante ans, des mecs qui font une musique aussi moderne! Mais il faut bien se rendre à l’évidence qu’Alex Patterson, pour ne parler que de lui, a bel et bien 53 ans. Normal pour un des pères de l’électro, qui avant de fonder The Orb avec Jimmy Cauty en 1988 était roadie de Killing Joke. Encore l’histoire de la musique en exposition à Glasto ce samedi, c’est finalement la thématique de la journée. La foule n’est pas compacte, je peux m’avancer tout devant à quelques mètres seulement de la barrière frontale. Le set, est un mix de la musique de The Orb avec un groupe de percussions du Ghana. L’electro de The Orb est donc un peu en retrait, et les morceaux un peu expédiés.

J’assiste en fait une sorte de DJ set un peu frustrant, mais je les ai enfin vus… J’ai eu droit à Fluffy Clouds en fin de journée sous un ciel de circonstance, j’en suis très heureux. En plus ce bonheur se termine par une séance de dédicaces. Pas d’hésitation, j’achète un album, et fais la queue. Je remarque sur le bras d’Alex Patterson, un tatouage de la tortue qui fait la pochette de l’album « Auntie Aubrey’s Excursions Beyond the Call of Duty ». Je lui donne l’album à signer, il écrit la formule consacrée: « In Orb We Trust ».

The Orb, séance de dédicaces à West Holts.
The Orb, séance de dédicaces à West Holts.

Je remonte à la tente poser le disque, prendre aussi quelques vêtements chauds pour la soirée. Il est 19h30 quand j’arrive à la tente, les gars sont là eux aussi, bientôt les Stones vont être sur scène, pour l’instant Primal Scream est sur la Pyramid stage. Nous regardons un peu le concert depuis la tente en bavardant. C’est aussi l’occasion de manger un morceau acheté au food-truck voisin.

Primal Scream sur Pyramid stage vus depuis la tente.
Primal Scream sur Pyramid stage vus depuis notre tente.

Pendant le concert des Primal Scream nous constatons que la foule arrive déjà en masse, et il y a beaucoup de monde dans l’Arena. Dès 20h00 nous descendons, nous espérons ainsi pouvoir prendre le temps de boire une bière avant le concert, après ça risque d’être compliqué. Nous attendons donc patiemment une heure et demi, il est maintenant 21h00, le public s’est tassé, et là où nous sommes, il n’est plus possible de se déplacer librement. Nous apprendrons plus tard, que les accès à l’Arena ont fini par être fermés, il est estimé que plus de 100 000 personnes étaient là. Des retardataires ont dû finalement  s’installer sur les champs surplombant pour voir le concert. Mais à vrai dire au moment où le concert doit commencer nous n’avons pas réellement conscience de tout cela. Nous attendons que les Stones arrivent, ils sont en retard, ce qui n’est pas courant dans un festival, ca commence mal…

Finalement, ils arrivent, la foule hurle. Nous sommes assez loin, pourtant 3/4 des spectateurs doivent être plus loin que nous, nous voyons mal. Je devine Mick Jagger en train de s’agiter, je vois aussi Keith Richards se déplacer lentement, il porte une écharpe.

Les Rolling Stones sur la Pyramid stage.
Les Rolling Stones sur la Pyramid stage.

Nous écoutons les premiers morceaux: « Jumpin’ Jack Flash », « Its only Rock’n Roll (But I Like It) », « Paint it Black »… Ma première réaction porte sur le son. J’ai l’impression que la balance n’est pas bonne et que la voix de Jagger est faible. Supposition plutôt stupide pour un tel show, je me rends vite compte qu’il n’a pas de puissance dans la voix. La preuve arrive dans « Gimme Shelter » où il chante en duo avec une choriste. La première exclamation du public dans le cours d’une chanson vient finalement sur un des solo de la choriste. Et là, pas de problème de balance. « Glastonbury Girl »… Sur la vidéo suivante, pour moi, on entend clairement les limites de Jagger:

Puis « Wild Horses ». Fred commence lui aussi à râler, il semble que Keith Richards ne simplifie sa partition, omette des solos et des riffs. On commence à se poser la question de rester ou pas. Ce concert n’a pas grand intérêt, et tout Rolling Stones qu’ils soient les mecs sur scène ne nous transportent pas. Pendant ce temps, Public Ennemy doit commencer son concert, et Fuck Buttons ne va pas tarder, si on doit bouger il va faloir se décider sous peu au risque de ne rien voir du tout, ici ou ailleurs. Nous restons encore pour « Doom And Gloom », et « Can’t You Hear Me Knocking », pour laquelle nous voyons apparaître un guitariste supplémentaire sans savoir que c’est l’ancien Stones Mick Taylor. Nous pensons une fois de plus à une défaillance, et la nécessité d’un musicien destiné à épauler Keith Richards, à tort visiblement. Nous sommes là encore pour « Honky Tonk Women ». Voici encore une vidéo, prise du public de la dernière chanson que j’aurais entendu chanter par les Stones, et ceci probablement de ma vie! Je persiste à trouver que c’est mou, et que ça manque de pêche.

A la fin de la chanson, je me tourne vers les gars, j’ai bien envie de partir, je leur dit: « c’est pas terrible, je ne sais pas si je vais rester… ». Hub qui n’a dit mot pour l’instant, me réponds tout de go: « c’est de la merde, moi je me casse », je lui demande confirmation: « on s’en va… maintenant? » – « oui, maintenant je vais voir Public Ennemy ». Je me tourne vers Fred: « et toi tu fais quoi? ». Il a encore une petite réticence, c’est probablement le seul de nous trois à bien connaitre le groupe, il me fait un petit sourire: « non je reste encore un peu tout de même ».

Pour être parfaitement honnête, il semble qu’une grande majorité du public ait aimé le concert. Par ailleurs, après le festival nous nous sommes jetés sur la presse pour prendre la température des revues. Rien d’autre que des éloges, des « formidable » et « exceptionnel ». Nous avons bien vu certaines personnes quitter le concert comme nous l’avons fait, mais c’était loin d’être une majorité, mais franchement je ne m’explique pas tout ça. Je crois fondamentalement avoir été objectif dans mon sentiment sur ce show, c’était ennuyeux, et je pense par ailleurs que la célébrité des Stones ou de tout groupe du genre crée une altération de la réalité. Voire encore, le répertoire de leur morceaux est si connu, que toute la playlist est reprise en chœur par le public, qui n’écoute plus le concert mais célèbre le groupe en chantant ses chansons, et finalement ne s’intéresse plus à la prestation du groupe. Je peux comprendre ça, mais il est clair que pour moi qui n’est pas a aficionado de ce groupe, j’attendais un peu plus de virtuosité ou d’émotion.

Hub et moi partons peu après 22h30 pendant « You Got the Silver ». Dans la Setlist suivait « Happy », la suite a été diffusée par la BBC.

Je suis Hub vers West Holts, car j’ai 30 minutes pour arriver à The Park pour le concert de Fuck Buttons, c’est un détour, mais je veux en profiter pour voir aussi Public Enemy, ne serait-ce que cinq minutes. La magie de Glasto voudra que nous arrivions à West Holts lorsque Publie Ennemy entame « He Got Game », mon morceau préféré du groupe. Je reste quelques instants, puis file vers The Park, Hub reste à West Holts où il sera finalement rapidement rejoint par Fred qui lui aussi a jeté l’éponge rapidement.

Voici la vidéo de la dernière heure de concert de Public Enemy, à qui il manquait un membre sur scène, le fantaisiste Flavor Flav bloqué par les services d’immigration américains. Je ne suis pas du tout un amateur de rap, mais en comparaison de la vidéo des Stones au dessus, je trouve ça bien plus vivant!

J’arrive à The Park à temps pour me commander une bière dans un Stonebridge Bar désert. Devant la scène il y a quelque chose comme 500 à 1000 personnes. Je m’installe à quelques dizaines de mètres de la scène, un peu en hauteur, je pense que c’était la position idéale, même si je ne pouvais pas le savoir. De là j’ai une vision d’ensemble sur la scène, probablement plus intéressante que si j’avais été plus proche du groupe. La musique Fuck Buttons est particulière, très particulière. Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer du tout, mais en ce qui me concerne j’adhère dès les premières notes. Par ailleurs le visuel très abstrait, produit sur les écrans vidéo en fond de scène me fascine. Comme la veille pour Portishead, le son et l’image, même minimalistes m’emmènent sur une autre planète, et j’assiste à un des meilleurs concerts de mon Glasto 2013, tout en me disant que j’aurais eu bien tort de rester au concert des Stones.

En une soirée J’ai pu passer de l’un des plus anciens groupes de l’histoire du Rock, les Rolling Stones probablement au crépuscule de leur propre histoire, et voici que j’assiste à ce que la musique actuelle peut donner de plus moderne, étrange, et novateur. Certes je prédis à Fuck Buttons une carrière beaucoup difficile et underground que celle des Stones, mais pourtant ils font quelque chose que je n’avais jamais entendu nulle part ailleurs. Ces sons agressifs, répétitifs, ont pourtant quelque chose d’apaisant voire poétique. Un grand souvenir!

Fuck Buttons à The Park.
Fuck Buttons à The Park.

Lorsque le concert se termine je redescend vers West Holts où je dois retrouver Fred et Hub, au pub à côté de la scène. Là nous buvons une bonne bière et prenons comme à l’habitude la direction de la zone Sud-Est. Hub a très envie de se rendre dans le Temple (l’arène) de The Common, lorsque nous y arrivons, le lieu est rempli de monde. Pour accéder au Temple, il faut faire une queue kilométrique, même Hub très motivé est dissuadé d’attendre. Nous entrons dans la caverne sous la cascade, puis traversons Shangri La, et allons boire un dernier verre à Block 9. Le samedi est terminé, il ne reste déjà plus qu’un seul jour de festival.