Yes we Can!

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Lorsque qu’elle a été publiée, j’avais bien lu, presque au centre de l’affiche, cette entrée: The Can Project. Je ne suis pas allé plus loin, pensant qu’il s’agissait d’un groupe « tribute » à Can, comme il en existe pour de nombreux autres groupes: Australian Pink Floyd Show, Brit Floyd, Sticky Fingers, etc… Autre exemple, les Bootleg Beatles sont été présents à Glastonbury très fréquemment, J’en suis donc resté là sans analyser davantage. Mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir il y a quelques jours qu’en réalité, The Can Project n’est pas un simple tribute, mais bien une reformation partielle du groupe Can.

Les plus avisés d’entre vous ne m’en voudrons pas de faire un tout petit peu d’histoire et de revenir sur ce mythique groupe allemand, peu connu du grand public, mais qui a influencé une quantité astronomique d’artistes. David Bowie, The Stone Roses, Scream, Brian Eno, Red Hot Chili Peppers, et même Johnny Rotten ont tous déclaré leur admiration pour Can. Il faut en particulier citer l’exceptionnel album de remixes Sacrilege, réalisé par Can en 1997, qui compte d’importantes contributions de Sonic Youth et U.N.K.L.E. Dans cet album l’hommage des musiques électroniques à Can, est important, et l’explication tient au fait que l’expérimentation du groupe a porté en partie sur l’utilisation de l’électronique dans la musique, de sons ne provenant pas d’instruments de musique, et on considère même leur album Future Days comme une des pierres fondatrice du style ambient.

Le groupe est créé en 1968, son nom est l’acronyme de Communism Anarchism Nihilsm. Il est constitué de musiciens de formation classique contemporaine, jazz, et musique expérimentale, et ces gars là qui ont frayé avec des Stockhausen et Steve Reich, vont décider de se mettre à faire du rock. On est au début des années 70, toutes les expériences sont permises. Autour d’Irmin Schmidt et Holger Czukay se réunissent Michael Karoli, et Jaki Liebezeit, qui vont constituer l’ossature du groupe. La formation va quelque peu évoluer dans le temps, au gré des arrivées et départs d’autres musiciens, mais c’est surtout au poste de chanteur que les changements notables interviennent. Vont se succéder Malcolm Mooney, et Damo Suzuki. Après le départ du deuxième, le chant est assuré par Karoli et Schmidt. De 1969 à 1979, Can produit un album par an, dont en particulier Monster Movies en 1969, Tago Mago en 1971, Ege Bamyasi en 1972, et Future Days en 1973. La musique de Can, par essence complexe, car expérimentale, s’inscrit dans un courant évidemment en marge du mainstream, et Can va rester un groupe quelque peu underground mal connu du grand public. Cependant, vers la fin de l’existence du groupe, ils vont produire quelques albums plus faciles, moins exigeants diront certains, et ainsi faire une brève incursion dans les charts. Le groupe se sépare en 1979. Après cela, il y aura quelques très brèves réunions. En 1986 pour l’album Rite Time, en 1991 pour un morceau destiné au film Jusqu’au bout du Monde de Wim Wenders. En 1999 pour un cover destiné à une compilation.

Evenement rarissime, pour le 50eme anniversaire du groupe, le projet est lancé de reformer Can, pour un concert unique, ce qui n’était pas arrivé depuis plus d’une decennie.

Voici que pour son cinquantième anniversaire, le groupe se reforme sous l’incarnation The Can Project pour un concert spécial au Barbican Center de Londres le 8 avril 2017. En fait, cette réunion ne devait compter que la présence d’Irmin Schmidt et Jaki Liebezeit, accompagnés du permier chanteur Malcolm Mooney. Les deux autres pilliers: Mickael Karoli est mort en 2001, et Holger Czukay est semble-t-il très malade. Malheureusement Jaki LIebezeit meurt lui aussi peu avant le concert, et The Can project s’est donc restreint à Schmidt, Mooney accompagnés de quelques guests.

Le concert du Barbican Hall s’est déroulé en deux parties. D’abord Irmin Schmidt a dirigé le London Symphonic Orchestra, qui a interprété deux de ses compositions; la symphonie Can Dialog, et la suite pour ballet La Fermosa. Can Dialog, mêle quelques classiques comme Halleluwah et Sing Swan Song avec des parties orchestrales faisant parfois écho aux anciens professeurs de Schmidt, Karlheinz Stockhausen et György Ligeti. Après un entracte pendant lequel a été diffusé un concert de Can filmé en 1972, Malcolm Mooney est apparu à son tour, accompagné d’un super-band composé de Thurston Moore (Sonic Youth), Steve Shelley (Sonic Youth), Debie Googe (My Bloody Valentine, Primal Scream), James Sedwards, Pat Thomas, Valentina Magaletti (Oscillation and Tomaga’s), et Tom Relleen (Oscillation and Tomaga’s). La playlist pour ce concert:

Outside My Door – Monster Movie
Father Cannot Yell – Monster Movie
Thief – Delay
Deadly Doris – The Lost Tapes
Mother Sky – Soundtracks
Yoo Doo Right – Monster Movie
Mary Mary So Contrary – Monster Movie

Les critiques concernant ce show ont été assez nuancées. La partie classique assurée par Irmin Schmidt a semble-t-il été bien accueillie. Le public a l’oreille peut-être davantage accoutumé à un son pop/rock n’a pas été désarçonné par le mélange des classiques de Can et de musique contemporaine. Il semble même que cette fusion ait tout de même réussi à interpeler l’auditoire, et ait été en définitive une assez bonne surprise. L’entracte était dit-on insupportable, et le concert de 1972 était à la limite de l’audible. Concernant la deuxième partie du show, autour de Malcolm Mooney, certains ont été en partie déçu par le groupe qui n’a pas su (ou pu) reproduire fidèlement le son Can. En revanche la performance de Malcolm Mooney a été largement appréciée, et durant certains morceaux on a pu retrouver quelque chose du Can d’origine.

Un deuxième concert aura donc lieu à Glastonbury, mais à quoi faut-il s’attendre?

Qu’en sera-t-il à Glastonbury? Il est difficile de savoir comment va se dérouler ce concert, mais il y a tout lieu de penser qu’il ne s’articulera pas comme le show du Barbican. Il a été confirmé qu’Irmin Schmidt serait sur scène, c’est tout ce que nous savons. Il me parait improbable que le London Symphonic Orchestra soit présent, et je pense donc que nous devrions plutôt assister à la seconde partie du show du Barbican Hall. La différence c’est donc que Michael Mooney et Irmin Schmidt seront présents ensemble sur scène. C’est une bonne chose, mais une maigre consolation, car nous savons que les autres membres historiques du groupe sont morts ou indisponibles. Notons en passant que le deuxième chanteur Damo Suzuki a quitté le groupe en 1973 après son mariage avec une adepte des Témoins de Jéhovah. Il est réapparu dans le monde musical au milieu des années 80 et tourne toujours actuellement. Il était visiblement resté en bons termes avec les membres de Can (Karoli et Liebezeit avec qui il avait collaboré ensuite), il n’est donc pas totalement exclu de le voir apparaitre aussi, bien qu’il paraisse improbable d’avoir deux chanteurs sur scène. La composition du groupe sur scène ne devrait pas différer de celle du Barbican, avec en particulier la présence très probable des deux membres de Sonic Youth Thurston Moore, et Steve Shelley. Les autres musiciens, du Barbican, en particulier Debbie Googe, et James Sedwards, qui leurs sont proches devraient être là aussi. Pour ce qui est de la programmation au sein du festival, je pense très fort probable de voir ce concert programmé en tête d’affiche sur l’Acoustic stage, mais cela pourrait aussi être en after à the Park. Je pense qu’une programmation à l’Other stage voire sur la Pyramide très peu probable, compte tenu de la difficulté d’accès d’une telle musique. Mais à Glastonbury on a parfois des surprises.

Je ne sais donc pas très bien quoi attendre de ce show, mais si comme je le suppose on les trouve en tête d’affiche à l’Acoustic, je ne vois pas de raison de ne pas m’y rendre. Je n’ai aucun impératif sur le programme de cette année, et je peux faire l’impasse sur tous les noms se trouvant sur l’affiche 2017. En revanche, il est très peu probable que j’ai une autre occasion de revoir ce groupe mythique sur scène, au moins ce qu’il en reste. J’y serai donc forcément!